Santé
La prévention des addictions dans le cadre professionnel
Les addictions et conduites addictives peuvent avoir des conséquences sur la santé et la sécurité des salariés. L’institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) estime que 8,6% des travailleurs sont en difficulté avec l’alcool et 7% avec le cannabis. Si les addictions ont longtemps été perçues comme un problème individuel, les conséquences dans le travail incitent les partenaires sociaux à se saisir du sujet.
Comment mettre en œuvre une politique de prévention des addictions dans le cadre professionnel ? Quels outils sont à la disposition des structures ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Addictions ou conduites addictives : Quelle est la différence?
On distingue généralement 3 modes de consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis, médicaments psychotropes comme les anxiolytiques ou somnifères…) :
- L’usage simple ou ponctuel n’entraîne pas de dommages à court terme et n’est pas considéré comme pathologique ;
- L’usage nocif désigne la consommation épisodique ou régulière responsable de dommages sur la santé physique ou mentale du consommateur ;
- L’addiction est un mode de consommation répétée ou continue qui entraîne une dépendance.
Dans le langage courant, le terme d’addiction est souvent utilisé pour parler à la fois de la dépendance et de l’usage nocif. Une démarche de prévention sera plus pertinente si elle concerne ces deux pratiques addictives pathologiques. En effet, cela permettra de prendre en compte l’ensemble des facteurs de consommation ayant un impact sur la santé et la sécurité au travail.
Quel cadre légal s’applique à la prévention des addictions au travail?
Le Code du Travail contient peu de dispositions précises au sujet des pratiques addictives. Certains principes généraux peuvent cependant être mobilisés.
- Pour les employeurs : il s’agit notamment de l’obligation générale de santé et de sécurité. L’obligation d’organisation des secours peut également être actionnée, en particulier pour mettre en place des procédures répondant aux troubles du comportement, par exemple pour prendre en charge un salarié en état de manque ou d’ébriété manifeste.
- Pour les salariés : il s’agit notamment de l’obligation générale de veiller à sa propre santé et sécurité et celle de ses collègues. Face à une situation à risque, les salariés ont aussi la possibilité de faire valoir leur droit d’alerte et leur droit de retrait pour assurer leur sécurité.
Le Code du Travail contient peu de dispositions relatives aux addictions au travail. Il encadre cependant la consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail. Les textes prévoient que « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée ». Le Code du Travail dispose également qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse. Néanmoins, si ces personnes sont en danger, il faut leur porter assistance. Une possibilité de limitation voire d’interdiction de la consommation d’alcool est prévue en cas d’atteinte à la santé et la sécurité des travailleurs, à condition qu’elle soit proportionnée au risque.
Les outils juridiques à la disposition des employeurs pour des actions de prévention
Le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) : Le risque lié aux addictions peut être inscrit dans le DUERP. Cela permet d’identifier les situations ou les conditions de travail qui favorisent la consommation de substances psychoactives. L’inscription au DUERP donne lieu à la définition d’un plan d’actions adapté à la structure. Cette démarche, associée à des actions d’information et de sensibilisation, a pour effet de mobiliser l’ensemble des acteurs autour de ce sujet.
Le règlement intérieur : Ce document peut être mobilisé en complément du DUERP pour encadrer la consommation d’alcool dans l’entreprise. Il peut aussi être utilisé pour rappeler certaines dispositions juridiques issues du Code de la santé publique (ex : interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts qui constituent des lieux de travail), du Code de la route (ex : alcoolémie), du Code pénal (ex : interdiction de la détention de stupéfiants), etc.
Les addictions dans le cadre professionnel : sujet individuel ou collectif?
Bien souvent, la question des addictions et pratiques addictives sont traitées, dans le monde professionnel, comme un problème individuel. Le prisme choisi est alors médical ou purement disciplinaire. Or, une approche uniquement individuelle ne permet pas de prendre en compte les risques liés à l’organisation du travail et ses effets sur les salariés. La consommation de substances psychoactives a des effets sur le travail. Mais l’organisation du travail peut favoriser la consommation. 3 principaux usages dans le cadre professionnel sont identifiés par les chercheurs :
- Un usage dopant pour tenir le rythme ou venir à bout de tâches ardues
- Un usage anesthésiant pour supporter le stress, la fatigue, la douleur…
- Un usage social pour mieux s’intégrer dans une équipe
Une démarche de prévention des addictions au travail sera plus efficace si elle passe par une double approche individuelle et collective. Au niveau individuel, l’encadrement veillera à repérer les salariés en difficulté pour les orienter vers le service de santé au travail qui pourra ensuite leur proposer un accompagnement adapté. Au niveau collectif, une réflexion commune sur l’organisation du travail aura pour objectif d’améliorer la santé et la sécurité au travail des salariés.
Comment créer une démarche de prévention des addictions efficace : Quelques pistes de réflexions
Au-delà des principes juridiques, qu’est-il possible de faire pour prévenir les addictions et pratiques addictives au travail ? 4 principes d’action peuvent guider la réflexion.
Agir sur les situations de travail favorisant les addictions. Certains facteurs liés au travail favorisent les pratiques addictives : stress, horaires atypiques (travail de nuit ou le week-end), isolement, port de charges lourdes… Ces facteurs sont en général mentionnés dans le DUERP, qui prévoit des actions de prévention dédiées pour tous types de risques professionnels.
Encadrer la consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail. Dans le règlement intérieur ou, à défaut, par une note de service, vous pouvez encadrer l’organisation des pots dans la structure (prévoir de la restauration pour éviter le pic d’alcoolémie, toujours servir des boissons non alcoolisées…).
Limiter ou interdire toute consommation pour les postes à risque. La liste des postes concernés peut être inscrite dans le règlement intérieur ou dans une note de service. La limitation ou l’interdiction doivent toujours être proportionnées au but recherché.
Informer les salariés. Des actions d’information et de sensibilisation peuvent être menées sur différents sujets : les risques liés à la consommation, la conduite à tenir face à un collègue présentant des troubles du comportement, les aides possibles en cas d’addiction.
Les partenaires pour la mise en œuvre d’actions de prévention des addictions
Le Conseil Social et Économique (CSE) constitue l’instance où l’ensemble des acteurs peut définir une démarche de prévention des addictions au travail. Au sein de la branche professionnelle, les structures de moins de 8 ETP (équivalents temps plein) doivent avoir désigné un référent santé. Il est alors l’interlocuteur privilégié dans la mise en œuvre d’une démarche de prévention.
Dans les structures ne comptant pas de CSE, le service de prévention et de santé au travail est l’interlocuteur privilégié. Les membres de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail peuvent participer à l’évaluation du risque lié aux pratiques addictives et à l’analyse des conditions de travail pouvant favoriser la consommation. Ils organisent également des formations et peuvent fournir des conseils au cours de réunions du CSE. Le médecin du travail a un rôle central dans la prévention. En cas de besoin, il peut demander une adaptation du poste de travail et conseiller les salariés en vue de réduire leur consommation. Il est tenu au secret médical et, à ce titre, il ne peut pas transmettre d’informations médicales personnelles des salariés à l’employeur.
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